Les inondations qui ont touché les provinces les plus peuplées du Tchad et menaçaient d’engloutir encore un peu plus certaines zones de N’Djamena, n’auront été d’aucun effet pour noyer le mouvement de colère.

Jeudi 20 octobre, en dépit de l’interdiction de manifester décrétée la veille par le gouvernement, les quartiers réputés frondeurs de la capitale – Walia, Chagoua, Abena, Moursal – ont répondu à l’appel à la mobilisation lancé par Wakit Tama – une coalition d’organisations de la société civile – et par plusieurs partis politiques.

Des villes de province comme Moundou, Abéché, Bongor ou Koumra se sont également jointes à la protestation. Dès la matinée, des marches ont débuté, des barricades faites de branchages, de morceaux de béton et de pneus enflammés ont été érigées pour dénoncer le maintien à la présidence de Mahamat Déby pour vingt-quatre mois supplémentaires, officialisé le 10 octobre. Le jour choisi pour cette mobilisation, le 20 octobre, correspond à la date à laquelle le fils et successeur d’Idriss Déby, tué au combat en avril 2021, aurait dû rendre le pouvoir s’il avait tenu son engagement initial d’une transition de dix-huit mois.

Plus encore que de coutume, police et armée ont réprimé à coups de gaz lacrymogène, mais aussi à balles réelles. Si aucun décompte définitif et indépendant du nombre de victimes n’était disponible jeudi, Saleh Kebzabo, l’opposant devenu huit jours plus tôt premier ministre d’un « gouvernement d’union nationale », a évoqué, lors d’une conférence de presse, en fin d’après-midi, un bilan d’une « cinquantaine de morts » et de « plus de trois cents blessés » sur l’ensemble du territoire. Un journaliste, Oredjé Narcisse, a succombé au cours de la journée à une blessure par balle.

Un journaliste succombe à ses blessures

Parmi les morts se trouveraient « entre dix et quinze éléments des forces de l’ordre », selon Aziz Mahamat Saleh, le ministre de la communication. « Trois ont été tués par des manifestants munis d’armes de poing et d’armes blanches, alors qu’ils étaient en faction devant le gouvernorat. Des policiers ont aussi été directement attaqués dans des commissariats. Ce n’était pas une manifestation, mais une insurrection pour prendre le pouvoir », assure-t-il au Monde. Vingt-quatre heures plus tôt, M. Saleh avait déjà affirmé par communiqué que « plus de 1 500 jeunes ont été entraînés et formés afin de faire des casses ciblées contre certains édifices publics et des personnalités de la République ». Dans les faits, le siège du parti du premier ministre a été en partie incendié. Celui de son prédécesseur – Albert Pahimi Padacké – vandalisé.