Le chef de l’Etat doit concrétiser en personne la spectaculaire normalisation entre les deux voisins de la Corne de l’Afrique, après vingt ans de guerre.
A son arrivée à Addis-Abeba, le chef de l’Etat érythréen a été accueilli par le premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed. La visite officielle du leader de ce petit pays de plus de 5 millions d’habitants doit durer trois jours.
La semaine passée, le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed était lui-même venu à Asmara, capitale de l’Erythrée. Dans la foulée de cette rencontre, l’Ethiopie et l’Erythrée ont annoncé cette semaine qu’ils allaient rouvrir leurs ambassades et les routes les reliant, reprendre les vols entre les deux pays et coopérer au développement des ports érythréens.
La déclaration conjointe des deux Etats précise, en outre, que « l’état de guerre qui existait entre les deux pays est arrivé à sa fin. Une nouvelle ère de paix et d’amitié s’ouvre ». « Les deux pays œuvreront à promouvoir une étroite coopération, dans les secteurs de la politique, de l’économie, du social, de la culture et de la sécurité », ajoute ce document.
Autrefois façade maritime de l’Ethiopie avec les ports de Massawa et d’Assab, l’Erythrée a déclaré son indépendance en 1993 après avoir chassé les troupes éthiopiennes de son territoire en 1991.
Or, de 1998 à 2000, l’Ethiopie et l’Erythrée se sont livré une guerre conventionnelle, avec chars d’assaut et tranchées, qui avait fait entre 70 000 et 100 000 victimes, notamment en raison d’un désaccord sur leur frontière commune. Le refus éthiopien d’appliquer une décision en 2002 d’une commission soutenue par l’ONU sur le tracé de la frontière a ensuite entretenu l’animosité entre les deux pays.
Cette tension de presque deux décennies a été traversée par d’accès de violence, notamment lors d’incidents le long de la frontière, demeurée litigieuse malgré les indications de délimitation proposées par une commission indépendante à la demande des belligérants dans le cadre des accords d’Alger.
Ces troubles sont aussi à l’origine des déplacements de populations et des flux migratoires vers l’Europe. L’Erythrée, un des régimes les plus fermés et les plus répressifs au monde, a pris prétexte de questions sécuritaires pour museler toute opposition et interdire la presse indépendante. Il impose aussi un service militaire obligatoire qui peut durer indéfiniment, une autre des raisons qui incite les jeunes à fuir le pays. La détente avec l’Ethiopie voisine est ainsi assurément une manière pour le pays paria d’ouvrir la voie à une certaine normalisation, en s’inscrivant dans les changements en cours dans la Corne de l’Afrique.
Le Monde