Le conseiller présidentiel pour la sécurité nationale, John Bolton, a tenté d’adapter au continent africain le mot d’ordre « America First », ou « l’Amérique d’abord », qui guide la politique étrangère de l’administration républicaine.
S’il s’est targué d’exposer cette vision moins de deux ans après l’arrivée de l’homme d’affaires à la Maison Blanche, son gouvernement n’avait jusque-là pas manifesté un intérêt particulier pour l’Afrique — dont on n’a vraiment parlé à Washington que lorsque Donald Trump a qualifié certains Etats africains de « pays de merde » lors d’une réunion à huis clos.
La « nouvelle stratégie pour l’Afrique » se traduit par une méfiance confirmée à l’égard des institutions multilatérales, une promesse de parcimonie avec l’argent du contribuable américain, et une compétition aux airs de guerre froide avec les rivaux des Etats-Unis.
« Les grandes puissances concurrentes, à savoir la Chine et la Russie, étendent rapidement leur influence financière et politique à travers l’Afrique », a déclaré John Bolton dans un discours devant le cercle de réflexion conservateur Heritage Foundation à Washington.
« Elles ciblent de manière délibérée et agressive leurs investissements dans la région pour accroître leurs avantages comparatifs sur les Etats-Unis », a-t-il déploré, dénonçant pêle-mêle « pots-de-vin », « accords opaques », recours chinois à la dette pour « tenir les Etats africains en otages » ou encore pillage russe des ressources naturelles.
– L’ONU critiquée –
Or, selon l’administration Trump, « les comportements prédateurs de la Chine et de la Russie freinent la croissance économique en Afrique » et « posent une menace significative pour les intérêts nationaux américains ».
Mais alors que le gouvernement américain assure – comme tous ses prédécesseurs – vouloir la prospérité, l’indépendance et la bonne gouvernance des pays africains, sa politique semble surtout ouvrir la porte à un certain désengagement, en tout cas sous les formes traditionnelles.
Les Etats-Unis, qui font toujours de la lutte contre le terrorisme islamiste une de leurs priorités, veulent que les pays africains prennent en main leur propre sécurité. Et vont plaider pour « rationaliser, revoir, ou mettre fin » aux missions de l’ONU qui ne favorisent pas « une paix durable », a prévenu John Bolton.
« Notre objectif est de résoudre les conflits, pas de les geler indéfiniment », a insisté l’ancien ambassadeur américain aux Nations unies, un « faucon » très hostile au multilatéralisme. Il a cité en exemple l’opération onusienne au Sahara occidental, rappelant avoir participé à sa mise en place en 1991 alors qu’il travaillait au département d’Etat américain.
Interrogé sur ces déclarations, le porte-parole adjoint de l’ONU, Farhan Aziz Haq, a répondu « ne pas être au courant de coupes imminentes dans le budget (d’opérations de paix) venant d’Etats membres ». « Nos mandats sont établis par les membres du Conseil de sécurité » et il leur revient de les adapter si nécessaire, a-t-il ajouté.
Plus largement, John Bolton a promis de passer au peigne fin l’aide économique américaine — un exercice « bientôt » terminé — pour faire en sorte qu’elle apporte des résultats, alors que le locataire de la Maison Blanche veut drastiquement couper les ressources budgétaires affectées à la diplomatie.
« Malheureusement, des milliards et des milliards de dollars des contribuables américains n’ont pas abouti aux résultats escomptés », a estimé John Bolton. « A partir de maintenant, les Etats-Unis ne toléreront plus cette longue tradition d’aide sans résultats, d’assistance sans responsabilité, et de soutien sans réforme », a-t-il lancé.
Au Soudan du Sud en proie à une guerre civile après avoir reçu une importante assistance américaine, notamment, « nous ne fournirons plus de prêts ou de ressources américaines supplémentaires à un gouvernement sud-soudanais dirigé par les mêmes dirigeants en faillite morale qui perpétuent cette horrible violence », a insisté le conseiller.
« Cette approche me semble particulièrement contre-productive et risque de rapprocher nos partenaires potentiels de Pékin », a jugé sur Twitter Abraham Denmark, expert du cercle de réflexion Wilson Center. « Ne pouvons-nous pas nous intéresser à l’Afrique pour ses propres mérites et ne pas en faire un pion du grand jeu d’échecs avec la Chine? »
lalibre.be