Le 19 septembre, les organisateurs des Rencontres de Bamako ont annoncé au Musée national du Mali le détail de la prochaine édition de cette biennale panafricaine consacrée à la photographie, décalée à décembre en raison des tensions qui minent le pays. Assis derrière une table drapée de rouge, les principaux partenaires de l’événement – Andogoly Guindo, le ministre malien de la culture, Bart Ouvry, l’ambassadeur de l’Union européenne au Mali, et enfin le chef du bureau de la coopération suisse – ont successivement pris le micro. Un personnage, toutefois, manquait sur l’estrade : l’ambassadeur français Joël Meyer, expulsé en février par la junte au pouvoir.

Lire l’entretien Art africain : « Il n’y a même pas de discussion à avoir sur les restitutions, il faut rendre »

L’Institut français, qui œuvre au rayonnement hexagonal à l’étranger, doit pourtant apporter 200 000 euros aux Rencontres de Bamako – un engagement signé en 2021, avant l’escalade des tensions entre les deux pays. Soit près de la moitié d’un budget drastiquement rétréci après la défection de plusieurs partenaires inquiets de la situation politique au Mali.

Dans son allocution, le ministre Andogoly Guindo a pris soin de remercier la contribution française. Mais il marchait sur des œufs. Cinq jours plus tard, le 24 septembre, à l’assemblée générale des Nations unies, le premier ministre malien par intérim s’en est violemment pris à la France, accusée de « pratique néocoloniale, condescendante, paternaliste et revancharde ».

« Dans notre milieu, il n’y a aucun ressentiment antifrançais, assure pourtant l’architecte Cheikh Diallo, délégué général des Rencontres de Bamako. La seule politique qu’on veut mener, c’est celle de la culture. » Permettra-t-elle de maintenir un lien à l’heure où la machine diplomatique s’enraye ?

Crever l’abcès mémoriel

Depuis le discours de Ouagadougou, en 2017, jusqu’au sommet franco-africain de Montpellier, en 2021, Emmanuel Macron a fait du soft power culturel la clé de voûte de sa diplomatie en Afrique. Avec un enjeu crucial : « convaincre le continent de notre sincérité », résume Eva Nguyen Binh, présidente de l’Institut français.

Pour crever l’abcès mémoriel et contrer le travail de sape mené par la Russie ou la Chine, la France a fait de la restitution des biens africains spoliés l’une de ses priorités. Le retour, en février, des 26 trésors d’Abomey au Bénin a permis « d’irriguer la créativité contemporaine, de la faire ensuite circuler en France et de la donner à voir », déclarait le 1er septembre le président français lors de la conférence des ambassadeurs à l’Elysée : « C’est ça qu’il nous faut déployer partout, parce que ça change profondément le regard que beaucoup de pays ont de la France, que leurs opinions publiques ou leur jeunesse ont de la France. »