Si la MINUSMA a réussi à expliquer (laborieusement) le crash d’un hélicoptère qui ‘’surveillait les combats au sol’’ (entre la Plateforme et la CMA), le 26 juillet dernier, Barkhane, par contre, justifiera difficilement sa logique de désarmement unilatéral et au forceps de la Plateforme des mouvements républicains du 14 juin d’Alger devenue l’ennemi public numéro un à abattre.
Le ton a été donné avant les affrontements, sur plusieurs fronts, entre la Plateforme des mouvements républicains du 14 juin d’Alger et la Coordination des mouvements armés (CMA).
Le passage en force
Lesdits affrontements se sont soldés par un recul de la Plateforme sur l’essentiel des positions qu’elle occupait. La raison de ce changement de rapport de force en faveur de la CMA, est également un secret de polichinelle : la Force française Barkhane a pris le soin, par anticipation, de prendre à la Plateforme ses armes lourdes. Selon le secrétaire général du GATIA, Fahad Ag Almahmoud, certaines roquettes qui se sont abattues sur leurs positions, pendant les combats, sont exactement de la même marque que celles qu’ils ont remises aux Français de Barkhane. Là, il y a anguille sous roche.
Après cet épisode marqué par une protestation du Mouvement ‘’Waati sera’’, malheureusement esseulé dans sa démarche patriotique, parce que d’autres ont préféré une débauche d’énergie pour une cause douteuse de révision constitutionnelle, Barkhane remet ça.
Cette fois-ci, elle ne s’encombre pas de fioritures. C’est le porte-parole de la Plateforme, Me Harouna TOUREH, qui révèle le scandale dans un communiqué dont les Maliens et le monde entier ont pris connaissance hier : ‘’en effet, ce 13 août 2017, dans les environs de 17 h, un convoi militaire de la Force française Barkhane quittant Gao s’est installé entre nos positions. Aussitôt, un entretien s’est engagé au cours duquel la Force Barkhane a informé les combattants de la Plateforme de sa volonté de procéder manu militari à leurs désarmements’’.
L’anéantissement militaire du GATIA
Pourquoi un tel acharnement sur la Plateforme des mouvements républicains du 14 juin d’Alger ?
La principale raison est donnée par Me TOUREH qui ne se trompe sur le dessein inavoué de la Force française Barkhane qui dévie totalement de son objectif de lutte antiterroriste et qui par conséquent s’attire l’aversion, sinon les foudres de la plupart des Maliens. Il écrit en effet ; ‘’la Plateforme soucieuse de la bonne mise en œuvre de l’Accord pour la paix appelle le peuple malien, le Gouvernement du Mali, la société civile, les associations des femmes et des jeunes, les associations des cultes religieux, la commission des bons offices et la Méditation internationale à intervenir sans délai pour empêcher le désarmement et l’affaiblissement de la Plateforme hors du processus de DDR frein à l’Accord pour la paix’’.
La raison la plus évidente est donc l’affaiblissement de la Plateforme, au profit de la Coordination des mouvements armés qui a le droit d’aller attaquer qui elle veut, là où elle veut, sans en être empêchée par Barkhane, qui a pourtant donné des assurances dans ce sens au GATIA au moment de le désarmer.
Pis, non seulement la CMA garde l’intégralité de son arsenal, mais de lourds soupçons pèsent quant au renforcement de son arsenal, ces derniers temps. Cela, en violation flagrante d’une recommandation pertinente de la dernière réunion de la Commission technique mixte de sécurité, le 7 juillet dernier, qui parlait de : ‘’dispositions à prendre pour le renforcement des mesures relatives à la circulation des armes lourdes et des convois de plus de 5 véhicules et pour l’amélioration de leur application sur le terrain’’. Sous le prétexte de cette disposition (création du Commandant en chef adjoint des Forces de la MINUSMA), la Plateforme a été désarmée une première fois. Voici qu’elle l’est une deuxième fois. Et puisqu’il n’y a jamais deux sans trois, les opérations de désarmement se poursuivront jusqu’à l’anéantissement total de son aile militaire.
L’enjeu politique
Naturellement, cet acharnement sur la Plateforme a une implication politique. Il s’agit d’imposer la CMA comme le seul interlocuteur crédible de l’État et de la Communauté internationale. La preuve, la CMA qui appelait la Plateforme, il y a encore quelques semaines par son nom, la qualifie aujourd’hui de ‘’milice de l’État’’. Cette qualification méprisante, parfaite reprise du discours de qui on sait, du point de vue politique, suffit à mettre hors-jeu la Plateforme du processus de paix et de réconciliation en cours.
Reprenant du poil de la bête, la CMA, au cours d’un briefing, appelé abusivement conférence de presse, remet en cause le projet de révision constitutionnelle qui ne comporterait pas la ‘’régionalisation’’ et ‘’le caractère de libre administration des régions de l’Azawad’’. La porte est ainsi grande ouverte au rejet de l’Accord lui-même, dont les éléments essentiels ne seraient pas pris en compte dans la loi référendaire.
L’on se demande réellement ce que cherche la Force française Barkhane en s’invitant de force dans un processus de paix et de réconciliation qui a ses mécanismes propres. Cette interrogation est d’autant plus pertinente qu’elle n’a nulle part reçu mandat de jouer les gendarmes, a fortiori un gendarme partisan de la CMA. Les mandats des uns et des autres sont très clairs dans la Résolution 2364 (2017), adoptée par le Conseil de sécurité à sa 7991e séance, le 29 juin 2017.
Pour la MINUSMA, il s’agit de : ‘’soutenir le cantonnement, le désarmement, la démobilisation et la réintégration des groupes armés, notamment grâce à l’intégration dans les Forces de défense et de sécurité maliennes d’éléments des groupes armés signataires à titre de mesure provisoire, dans le cadre de la réforme du secteur de la sécurité, en tenant compte des besoins particuliers des femmes et des enfants, et sans préjudice des plans de la Commission nationale pour le désarmement, démobilisation, réintégration et réinsertion’’.
Cette disposition est prévue par l’article 18 de l’Accord pour la paix et la réconciliation qui stipule : ‘’le processus de cantonnement des combattants vise à recenser les combattants éligibles à l’intégration ou au programme DDR. Ce processus est mené suivant des normes et pratiques professionnelles établies avec le soutien de la Mission multidimensionnelle Intégrée des Nations unies pour la stabilisation au
Mali (MINUSMA)’’. Ça crève les yeux que l’Accord ne fait pas appel aux services des Forces françaises et que le désarment ne peut se faire qu’après le cantonnement qui n’est pas encore effectif. Tout cela en violation de l’article 54 qui engage la Communauté internationale, les Nations unies, I’UA, la CEDEAO, I’UE, I’OCI à accompagner les efforts déployés pour la mise en œuvre scrupuleuse de l’Accord.
Barkhane viole son mandat
Pour les Forces françaises, limitativement, la Résolution dit : ‘’autorise les forces françaises à user de tous moyens nécessaires, dans la limite de leurs capacités et de leurs zones de déploiement, jusqu’à la fin du mandat confié à la MINUSMA par la présente résolution, pour intervenir à l’appui d’éléments de la Mission en cas de menace grave et imminente, à la demande du Secrétaire général, et prie la France de lui rendre compte de l’application du présent mandat au Mali et de coordonner la présentation de cette information avec celle que communiquera le Secrétaire général en application du paragraphe 47 de la présente résolution’’.
Sur un autre plan, les Forces françaises peuvent appuyer les autorités maliennes, à leur demande, à stabiliser les villes.
La Plateforme est-elle une menace plus sérieuse que la CMA qui se sent pousser des ailes, que les terroristes qui canardent au quotidien les Forces nationales et internationales ? Barkhane a-t-elle reçu mandat du Gouvernement, du Secrétaire général de l’ONU de désarmer la Plateforme ? La réponse est NON !
En clair, la Force Barkhane viole son mandat et de ce fait représente une véritable menace pour la stabilité du Nord. Elle est dans une logique d’embrasement de cette partie par ses agissements sordides, aux conséquences incalculables, et pas seulement pour les Maliens… Attention aux excès !
Par Bertin DAKOUO
Source: info-matin