Qui finance le Collectif pour la défense de la République (CDR) de l’activiste, Ras Bath, devenu l’ovni dans le microcosme de la société civile et un véritable phénomène pour les médias qui raffolent de ces volées de bois verts à l’encontre du pouvoir et de ce qu’est devenue la société malienne ? Ce qu’on sait et qu’il nous a dit, c’est que l’ex-Premier ministre Moussa Mara, dont le nom revient en permanence parmi ses soutiens, n’est pas derrière son mouvement.

Ce dernier, que l’on sait finaud, répète désormais à l’envi ce qui est devenu un air appris : ce n’est pas lui qui est derrière Ras Bath. Une seule évidence demeure : dans cette affaire, la vérité reste la première victime et les contempteurs de Ras Bath donneront beaucoup pour mettre la main dessus. Cela, il le sait très bien, lui dont le postulat est qu’il faut « renverser la table » (salut Nicolas Sarkozy !) au Mali en 2018. Entre étalage insolent du chômage, insécurité rampante au nord, au centre et au sud du pays, misère dans les hôpitaux et les familles, agitation du front social, Ras Bath ne pouvait pas passer inaperçu avec son discours dans lequel il y a des odeurs révolutionnaires. Comme tout phénomène donc, Ras Bath trouve son explication dans ce cadre-là.
Il reste que le « renversement de la table » exige d’être en position de force, être à la tête d’un mouvement politique capable de conquérir le pouvoir, ce qui n’est pas le cas de l’activiste qui dit qu’il n’a pas d’ambition politique. Or, les récents actes qu’il a posés sont éloquents pour montrer le contraire. D’abord, son départ de la Plateforme Antè A Bana pour des raisons qu’il a déclinées et qui sont battues en brèche au sein du regroupement, où il se dit qu’il n’est pas clair dans ses ambitions. Ses nombreux voyages à l’extérieur ne cessent d’alimenter de lourds soupçons sur ses alliés ou ses soutiens. Et sa campagne « Alternance 2018 » est venue achever de convaincre qu’il y a du Ras Bath dans Ras Bath, c’est-à-dire un homme imprévisible dans son jeu. Qui, quoiqu’il soit un turbulent apôtre du changement et qu’il désire ériger une cloison étanche entre hier et aujourd’hui dans un pays miné par la crise, est aujourd’hui sujet à caution.
Qu’il veuille ou pas, c’est désormais sur la question de ses soutiens qu’on va l’attaquer et qu’on va l’obliger à montrer patte blanche. Il ne sert plus à rien de faire une radiographie de sa base sociale, reposant essentiellement sur les déguerpis, les chômeurs et son statut de fils de ministre. Et on sait que grâce à lui, on ne pensera plus à cette phrase de Sony Labou Tansi dans La vie et demi quand on parle du Mali : « Pas de héros dans ce pays. Ici c’est la terre des lâches. Vous ne pouvez vous risquer à sortir des normes ». Car Ras Bath a même franchi le Rubicond social, a jeté son bonnet par-dessus les moulins et est devenu un héros pour une jeunesse désorientée, et qui sait ce qui se passe ailleurs, et ne rêvent que de mener une vie des VVVF (villa, voitures, vins, femmes).
Son plan ne nous est certes pas très connu. Ce que l’on sait à l’heure actuelle est qu’il va soutenir un candidat. Lequel ? Personne ne le sait non plus. Or, il est clair qu’on ne saurait se contenter ou s’accrocher aux apparences, au décor, pour se donner bonne conscience. Au risque de passer à côté de quelque chose de très fondamentale pour laquelle se bat Ras Bath lui-même et pour laquelle il parle, dans ces chroniques, avec le ton sévère du Procureur. Ras Bath nous doit cela, sinon, la déception sera à la hauteur de l’espérance. Peut-être pas pour les tenants de cette vision de Machiavel d’après laquelle le but de la politique est la réussite et non la morale.
Boubacar Sangaré

Source: lesechos