Il n’est pas rare de voir des fidèles traversés l’autre rive pour telle ou telle mosquée, dans le seul but d’écouter la khutba de tel ou tel imam. Ce sermon de vendredi renforce la foi du fidèle, règle parfois les maux auxquels ils sont confrontés, les oriente…La khutba est une tribune, une occasion pour l’imam d’aborder plusieurs thèmes, y compris politique. Il peut, conformément aux principes de l’Islam, dénoncer la mauvaise gestion de la cité, la corruption, la fraude, le clientélisme, la trahison, la malhonnêteté… Il annonce le sort réservé aux auteurs de ces maux, selon le coran. Constamment, l’imam, dans sa khutba, rappelle les retombées des bienfaits dans ce monde ici-bas ou à l’au-delà. La teneur de la khutba de vendredi est sujette à la discussion intense. Car, la khutba de traite de l’islam mais aussi de la vie quotidienne. À la fin de la khutba, et avant la salât, l’imam émet des supplications intenses. Au cours de la khutba, les fidèles s’abstiennent de tout et prêtent au sermon leur attention complète.
Depuis quelques jours, le sujet de discussion intense dans notre pays n’est pas une khutba du très ‘’respecté et expérimenté’’ imam Mahmoud Dicko, mais plutôt son manifeste. En effet, l’imam de Badalabougou semble désormais abandonner ce cadre religieux (khutba de vendredi). Pour s’adresser au public, il utilise un cadre politique : un manifeste. En tout cas, l’ancienne autorité morale du M5-RFP a retenu l’attention de tous, même au-delà du Mali, à travers son manifeste. Depuis la publication de ce document, l’homme, qui oscille entre le champ religieux et la scène politique, fait la Une des médias nationaux. En lieu et place des exemples pris dans la khutba sur les faits et gestes du Prophète (PSL) ou de ses disciples, l’imam Dicko paraphrase désormais des politiques de renommée mondiale (Anna Eleanor Roosevelt). Notons qu’Anna Eleanor Roosevelt est l’épouse de Franklin Delano Roosevelt. Première dame des États-Unis, elle pèse sur la décision d’engager les États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale.
Le manifeste est pour les politiques ce que la khutba est pour un imam. Il permet à un gouvernement, un parti… rend compte de son mandat ou expose son programme, son point de vue sur un problème politique. C’est une proclamation destinée à attirer l’attention du public, à l’alerter sur quelque chose.
Décidément, l’imam de Badalabougou a troqué sa khutba contre un manifeste. En tout cas, c’est ce format qu’il a choisi récemment pour d’adresser à son peuple. «Mon esprit est tourmenté par le sort du Mali et de mes concitoyens. Les sources d’inquiétude s’amoncellent, mon âme affectée finit par déchirer mon cœur. Je ressens une tristesse infinie à la lumière de l’Islam, religion de paix, de tolérance et expression d’une existence hors de modèles imposés par autrui. C’est, baigné dans le riche héritage des traditions savamment préservées au cours des siècles, que j’ai pu grandir et m’élever face à ce que je considère depuis trop longtemps comme une immense injustice, qui a fini par laisser notre pays dans l’impasse. Le Mali est héritier des grands empires du Soudan occidental », écrit-il.
L’imam poursuit : «Je veux porter ici la voix d’un nouvel élan d’émancipation, d’une urgence à agir, à penser haut et vrai, devant l’histoire pour de nouveaux horizons, avec l’espoir que le génie malien entendra l’écho de cette voix et élèvera à mes côtés, en pèlerin, notre destinée… Il ne s’agit pas seulement de parler de paix, il faut y croire. Il ne s’agit pas simplement d’y croire, il faut la construire », a-t-il paraphrasé Anna Eleanor Roosevelt, plutôt que de se référer au Prophète (PSL) ou à ses disciples, comme le font souvent les imams dans la khutba.
Reste à savoir si Dicko pourra pleinement jouer simultanément son rôle d’imam et celui d’homme politique de premier plan?
Wait and see !
Hamidou Ambérou Togo
Source: Journal HOGON