Le constat n’appelle aucune discussion. Le successeur du Suisse « enfermé dans son pays » va manger du pain noir. Pourtant, depuis trois décennies, la FIFA se gavait de bonheur capitaliste et de nirvana économique. Les Coupes du monde, produits phares, s’enchaînaient dans le doux vertige d’une hausse sans retenue des droits télés, d’un accroissement des audiences et d’une mondialisation progressive qui grignotait lentement et sûrement les « blancs » sur la mappemonde, y compris les plus stratégiques à l’instar des USA (avec les problèmes qui vont avec, personne n’ayant anticipé la présence du FBI dans le package du ralliement US au ballon rond). Cet univers calfeutré ne connaissait d’autres turbulences que les tirages au sort des phases qualificatives et quelques vilains articles mal attentionnés écrits par des journalistes en mal d’accréditation. Tout le monde applaudissait, car tout le monde était content. Et reconnaissons à Sepp Blatter d’avoir toujours su troquer l’illusion du monarque absolu contre une vaste générosité peu regardante.
Or, s’il désire engager de véritables réformes sur la transparence, la « gouvernance », le mode de redistribution des sommes colossales qui en remplissent les caisses – au hasard en instaurant la traçabilité des subventions du projet GOAL -, ou les procédures d’attribution des Coupes du monde, son parcours risque de ressembler beaucoup à celui d’un juge d’instruction dans le Var. Il peut même perdre le crédit de son prestige et de son legs unanimement reconnu à la tête de l’UEFA, en froissant un Vieux Continent attaché à ses privilèges, par exemple en s’attaquant au nombre de places européennes en phase finale, un rééquilibrage qui semble une inévitable compensation à, imaginons, une modulation du principe d’un vote égal par membre. Il commencerait comme De Gaulle par un « je vous ai compris » et il finirait à l’instar de Mitterrand en instaurant la rigueur. Or les « amis » de Platini le portent vers la présidence avec en tête l’adage de Tancredi Falconeri dans le Le guépard : « Pour que tout reste comme avant, il faut que tout change. » Cette promesse implicite sera malheureusement son premier pied dans la tombe.
Cependant les investigations du FBI, et Platini n’en est pas à l’abri, les livres qui vont se multiplier, les reportages à foison ou d’éventuelles révélations wikileaks ne pèseront rien en comparaison des dossier lourds sur la table, impossibles à cacher derrière un liminaire « cela se passait dans les fédérations » ou « on ne peut pas contrôler tout le monde ». Il s’agit évidemment des prochaines Coupes du monde. Oubliez le festin de Brésil 2014, Russie 2018 risque de constituer d’abord une étrange manière de fêter le 40e anniversaire d’Argentina 78. Après le malaise diplomatique au moment de Sochi, le niveau de tension dans la région conduira en effet sûrement à ressortir tout le vocabulaire (boycott, etc) des noces amères entre foot et politique.
En outre, durant la partie d’échec avec Moscou et les organisations de défense des droits de l’homme, la malédiction du Qatar continuera parallèlement de sévir et de pourrir la planète foot jusqu’en 2022. Des scandales de corruption aux milliers de cadavres de travailleurs immigrés qui s’entassent sous les stades et autres chantiers, des syndicats qui hurlent et réclament à l’unisson un nouveau pays hôte aux clubs européens qui pleurent une compétition en hiver (comme lors d’une vulgaire CAN, quel manque de respect pour la Champion League !), sans oublier l’instabilité du coin, l’ex-Bianconero « moi président » méditera régulièrement à ce jour où il se résigna à apporter son soutien à cette forme de « suicide collectif » du monde du foot. Et la seule option pour éviter le naufrage, refourguer le bébé à un autre État, est vraisemblablement écartée. Avant même d’endosser ses fonctions, si élu évidemment, la véritable rédemption de Michel Platini, et celle de son institution, lui est refusée… L’ancien héros de 1984 se bat certainement pour un des postes les plus pourris du moment – certes bien payé. La meilleure chose qu’il puisse lui arriver tiendrait étrangement à ce que Blatter retourne encore sa veste… ou que David Ginola entre enfin sérieusement dans la course…
Source: sofoot.com