La mobilisation « partielle » décrétée par Vladimir Poutine a provoqué des manifestations d’une ampleur inédite au Daghestan, république du sud du pays qui paie déjà un lourd tribut au conflit en Ukraine. Durant plusieurs heures, dimanche 25 septembre, des milliers de manifestants et de membres des forces de sécurité se sont affrontés, à Makhatchkala, la capitale, parfois violemment.

Des scènes très inhabituelles pour la Russie ont été filmées par des témoins – des hommes frappant des policiers, des femmes s’organisant pour empêcher des arrestations et, à plusieurs reprises, des salves d’armes automatiques tirées en l’air par les forces de sécurité. Le faible nombre de personnes arrêtées – une centaine – en dit long sur l’incapacité de la police à faire face à cette colère, malgré l’envoi de renforts.

Les tensions dépassent largement la seule ville de Makhatchkala. Des affrontements ont eu lieu dans d’autres localités, y compris dans des villages où les résidents ont parfois tenté de bloquer des routes. Des coups de feu tirés en l’air ont aussi été entendus près du village d’Endireï. Partout, les femmes sont en première ligne, scandant notamment : « Nos enfants ne sont pas de l’engrais » ou « non à la guerre ».

Des protestations exceptionnelles

Des manifestations d’ampleur moins importante ont eu lieu ailleurs en Russie durant le week-end, conduisant à près d’un millier d’arrestations. Ces rassemblements, souvent conduits par des femmes – les hommes arrêtés reçoivent fréquemment une convocation militaire – ont réuni des centaines de personnes à Moscou et Saint-Pétersbourg, mais aussi dans les républiques abritant des minorités nationales – Iakoutie (aujourd’hui Sakha), Bouriatie, Kabardino-Balkarie…

Ces régions ont en commun d’avoir déjà envoyé de nombreux soldats en Ukraine, mais aussi de maintenir des liens de solidarité forts, quand le reste de la Russie est caractérisé par une atomisation extrême. Plus inquiétant pour le pouvoir, il s’agit aussi de territoires où les protestations sont exceptionnelles.

Cette grogne est entretenue par le flot toujours continu d’informations et d’images montrant une mobilisation chaotique et « excessive », de l’aveu même de responsables politiques. Il s’agit en premier lieu de l’appel sous les drapeaux de personnes censées y échapper – étudiants, personnes âgées ou malades, sans expérience militaire… Dans certains villages de Sibérie, l’intégralité des hommes ont reçu une convocation. Certains rassemblements se transforment en beuveries ou en bagarres. Lundi matin, un homme a ouvert le feu dans un centre de recrutement de l’armée russe dans la ville d’Oust-Ilimsk, en Sibérie, blessant grièvement un militaire chargé du recrutement. A Riazan, un autre s’est immolé, criant ne pas vouloir aller en Ukraine.

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Source: Le Monde