Si la peur d’une troisième guerre mondiale ou d’un conflit de longue durée peut faire croire que la négociation est la meilleure option face à Vladimir Poutine, l’eurodéputé Renew estime, dans une tribune au « Monde », que la diplomatie n’est pas incompatible avec les livraisons d’armes à l’Ukraine.
Elles ne sont pas à rejeter mais à prendre en compte, ces craintes. L’une est qu’en livrant des armes à l’Ukraine Américains et Européens n’entrent dans l’engrenage d’une troisième guerre mondiale. L’autre est qu’en s’abstenant d’appeler les Ukrainiens à un compromis territorial avec la Russie les Occidentaux ne laissent de place qu’à la guerre, au détriment de la diplomatie.
Entre les lignes ou clairement exprimées, les deux craintes s’entendent aux Etats-Unis comme en Europe. Un ancien secrétaire d’Etat français aux affaires européennes, Pierre Lellouche, vient de les formuler dans les colonnes du Monde : mais où en seraient les vingt-sept Etats de l’Union et l’ensemble des démocraties si le renseignement américain et les premières livraisons d’armes européennes n’avaient pas empêché Vladimir Poutine de prendre Kiev ?
Toute l’Ukraine serait occupée et, conforté dans son idée de la décadence occidentale, Poutine aurait annexé sans tarder l’Ukraine et la Biélorussie en leur donnant un statut d’Etats associés à la Fédération de Russie. Il n’aurait alors pas eu besoin de reconquérir les pays baltes qui, preuve étant faite que les démocraties ne défendent pas la démocratie, n’auraient pas eu d’autre choix que de s’aligner sur Moscou ou d’être soumis par la force.
La Russie serait, en un mot, devenue la puissance dominante du continent, puisque les Etats-Unis auraient acté leur désengagement et que l’Union aurait dû renoncer à tout projet de défense commune face à la montée, jusque dans ses rangs, des tentations neutralistes. Ne parlons pas même des conséquences que ce triomphe de Vladimir Poutine aurait eues en Afrique, en Amérique latine et, avant tout, en Chine, où Xi Jinping s’en serait trouvé encouragé à lancer ses armées contre Taïwan et à risquer, pour le coup, un affrontement direct avec les Etats-Unis.
Rancœurs et déchirements
Non, restons en Europe, car que s’y passerait-il maintenant si les Occidentaux arrêtaient ou restreignaient leurs livraisons d’armes ? La réponse est que l’Union européenne se déferait vite – et qu’à cette immense victoire de M. Poutine s’en ajouterait aussitôt une autre, puisque les Ukrainiens ne seraient plus en situation de continuer à libérer leurs territoires et n’auraient, au contraire, bientôt plus assez de munitions pour faire face à une reprise de la progression russe qui menacerait de nouveau Kiev.
Le jour où l’on en serait là, Vladimir Poutine aurait eu le temps de réorganiser ses troupes et de les réarmer. Il aurait repris espoir et les démocraties se retrouveraient, rancœurs et déchirements en plus, dans la situation qu’elles avaient su éviter en février 2022, lorsqu’elles l’avaient empêché de l’emporter en Ukraine et, par voie de conséquence, sur tout le continent.