« Il ne s’agit pas d’une menace offensive contre la Russie », a tenu à assurer le président Joe Biden lors de l’annonce de la livraison prochaine de 31 chars lourds américains à Kiev.
Après plusieurs semaines d’hésitations, le chancelier allemand, Olaf Scholz, a donné mercredi 25 janvier son accord à l’envoi de chars lourds Leopard 2 à l’Ukraine, tandis que les Etats-Unis ont annoncé la livraison de 31 chars Abrams M1, que réclamait aussi Kiev. La Norvège a, quant à elle, promis l’envoi de chars Leopard 2, sans en préciser le nombre.
« Il ne s’agit pas d’une menace offensive contre la Russie », a tenu à assurer le président Joe Biden lors de son annonce en début de soirée, après que ce dernier s’est entretenu avec son homologue français, Emmanuel Macron, ainsi qu’avec le chancelier allemand, Olaf Scholz, la première ministre italienne, Giorgia Meloni, et le chef du gouvernement britannique, Rishi Sunak.
Quelques heures plus tôt, le gouvernement allemand a décidé en conseil des ministres à la fois d’envoyer quatorze chars Leopard 2 de type 2A6 issus des stocks de son armée, la Bundeswehr, et d’autoriser ses alliés occidentaux disposant de ces blindés de fabrication allemande à faire de même. « Nous faisons ce qui est nécessaire et possible pour soutenir l’Ukraine, mais nous empêchons en même temps une escalade de la guerre, [qui conduirait à] une guerre entre la Russie et l’OTAN », a déclaré M. Scholz devant le Bundestag, la chambre basse du Parlement allemand.
Quatre-vingts chars Leopard
« C’est une décision extrêmement dangereuse qui va amener le conflit vers un nouveau niveau de confrontation », avait prévenu l’ambassadeur de Russie à Berlin, Sergueï Netchaïev. « Cela nous persuade une fois encore que l’Allemagne, à l’instar de ses alliés les plus proches, ne veut pas d’une solution diplomatique à la crise ukrainienne, et qu’elle veut une escalade permanente », a-t-il ajouté, selon le compte Telegram de son ambassade.
Alors que l’annonce des Etats-Unis se précisait, son homologue à Washington, Anatoli Antonov, a lui cinglé : « Si les Etats-Unis décident de livrer des chars, il sera impossible de justifier un tel acte par des arguments liés aux “armes défensives”. Il s’agirait d’une nouvelle provocation flagrante à l’encontre de la Fédération de Russie. »
Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, s’est lui au contraire déclaré « sincèrement reconnaissant » de l’accord donné par Berlin, après avoir discuté au téléphone avec M. Scholz. Les chars lourds occidentaux « seront déterminants pour notre future victoire », s’est ensuite félicitée la présidence ukrainienne après les annonces américaines. Pour Andriy Yermak, le chef de l’administration présidentielle, ces décisions ne sont qu’un « premier pas ». « Nous avons besoin de beaucoup de Leopard », a-t-il martelé.
Le choix allemand « est le résultat d’intenses consultations (…) avec les partenaires européens et internationaux les plus proches de l’Allemagne », a expliqué M. Scholz. « Cela aurait été une erreur, une lourde, une grave erreur d’avoir avancé seul sur cette question », a insisté le chancelier social-démocrate. Ce dernier était sous pression depuis plusieurs semaines – de la part de ses alliés occidentaux, de l’Ukraine mais aussi des partenaires de sa coalition gouvernementale, libéraux et écologistes – pour donner son aval.
L’objectif de Berlin est de « rassembler aussi vite que possible deux compagnies de Leopard 2 » et de prendre en charge la formation des soldats ukrainiens à l’utilisation de ces blindés « rapidement » sur le territoire allemand. Le ministre de la défense allemand, Boris Pistorius, a estimé que les premiers chars pourraient arriver en Ukraine dans les trois mois à venir.
Selon le site du magazine allemand Der Spiegel, les Européens veulent créer dès que possible deux bataillons de chars, disposant chacun de quarante Leopard. Un premier bataillon, composé de Leopard 2A6, comprendra probablement des chars venus d’Allemagne, de Finlande, d’Espagne et des Pays-Bas. Un deuxième bataillon, composé de Leopard de type 2A4, sera mis sur pied grâce à des chars venus de Pologne et de Norvège.
Une arme de renommée mondiale
Les Leopard vont « renforcer la capacité défensive » de Kiev, s’est réjoui Londres – qui s’est engagé à livrer quatorze chars lourds Challenger 2 – tout en appelant les Occidentaux à « intensifier » encore leur soutien militaire à l’Ukraine. Paris et Varsovie ont aussi salué le geste de l’Allemagne. Tout comme le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg : « A un moment critique de la guerre lancée par la Russie, ils peuvent aider l’Ukraine à se défendre, à vaincre et à l’emporter », a-t-il écrit sur Twitter.
D’autant que les troupes russes ont revendiqué mercredi des avancées à Bakhmout, épicentre du conflit dans l’est de l’Ukraine, selon un responsable de l’occupation russe. L’armée ukrainienne a pour sa part admis avoir cédé aux Russes Soledar, une petite ville située à 10 kilomètres au nord de Bakhmout, deux semaines après l’annonce de sa prise par Moscou. Cette modeste localité, en grande partie rasée, qui comptait à peine 11 000 habitants avant le début du conflit, est devenue très importante aux yeux des stratèges de Moscou et des supplétifs du Groupe Wagner.
Le char Leopard 2 est une arme de renommée mondiale. Ce char, qui pèse une soixantaine de tonnes, est doté d’un canon lisse de calibre 120 millimètres permettant de combattre l’ennemi tout en se déplaçant, jusqu’à 70 kilomètres/heure, avec une autonomie de 450 kilomètres. Il est aussi doté, selon le fabricant, d’une « protection passive intégrale » efficace contre les mines et les lance-roquettes. Son équipage de quatre personnes bénéficie en outre d’outils technologiques permettant de localiser et cibler l’ennemi à longue distance. Autre atout majeur : le char Leopard est répandu sur le continent européen, facilitant ainsi l’accès aux munitions et aux pièces de rechange, ce qui simplifiera sa maintenance.