Guerre en Ukraine : Vladimir Poutine ordonne un cessez-le-feu les 6 et 7 janvier, à l’occasion du Noël orthodoxe

Le président ukrainien a estimé que cette trêve visait uniquement à empêcher son pays de progresser dans le Donbass. Le conflit « ne se terminera que lorsque [les] soldats [russes] partiront ou lorsque nous les aurons jetés dehors », a-t-il ajouté.

A la veille des célébrations du Noël orthodoxe, le président russe, Vladimir Poutine, a ordonné, jeudi 5 janvier, un cessez-le-feu en Ukraine pour le lendemain. Cette première trêve d’ampleur depuis le début de l’invasion du pays il y a près d’un an doit entrer en vigueur vendredi, à midi (10 heures, à Paris), et courir jusqu’à samedi soir, à minuit (22 heures, à Paris).

Cette annonce intervient après un appel en ce sens du patriarche orthodoxe russe Kirill, mais aussi une proposition du chef de l’Etat turc, Recep Tayyip Erdogan, qui s’est entretenu avec M. Poutine dans la matinée. « Compte tenu de l’appel de Sa Sainteté le patriarche Kirill, je charge le ministre de la défense russe d’introduire un régime de cessez-le-feu sur toute la ligne de contact entre les parties en Ukraine », a déclaré le président russe, cité dans un communiqué du Kremlin.

Il a en outre appelé les forces ukrainiennes à respecter cette trêve afin de donner la possibilité aux orthodoxes, confession majoritaire en Ukraine comme en Russie, d’« assister aux offices la veille de Noël [le 6 janvier], ainsi que le jour de la Nativité du Christ [le 7 janvier] ». Ce cessez-le-feu constitue la première trêve à caractère général depuis le début de la guerre, seuls des accords locaux ayant été jusqu’alors conclus, comme pour l’évacuation des civils de l’usine Azovstal à Marioupol (Sud-Est) en avril.

« Qu’y gagneront-ils ? Seulement des pertes supplémentaires »

Silencieux dans un premier temps, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a estimé que la trêve proposée par la Russie visait à empêcher l’Ukraine de progresser dans la région du Donbass, dans l’est de l’Ukraine.

« Ils veulent utiliser Noël comme une excuse pour tenter, ne serait-ce que temporairement, d’arrêter la progression de nos hommes dans le Donbass et nous empêcher d’y acheminer des équipements, des munitions et d’y mobiliser des soldats. »

« Qu’y gagneront-ils ? Seulement des pertes supplémentaires. » Le président ukrainien a ajouté, dans son allocution quotidienne, que la guerre « ne se terminera que lorsque [leurs] soldats partiront ou lorsque nous les aurons jetés dehors ». Avant lui, le ministre des affaires étrangères ukrainien, Dmytro Kuleba, avait jugé que l’annonce russe « ne peut pas et ne doit pas être prise au sérieux ». « La Russie a ignoré [le protocole de paix proposé par M. Zelensky] et a, à la place, bombardé Kherson la veille de Noël, lancé des frappes massives de missiles et de drones au Nouvel An », a-t-il rappelé sur Twitter.

Un conseiller de la présidence, Mykhaïlo Podoliak, prolixe sur Twitter, avait aussi directement dénoncé l’« hypocrisie » de la proposition russe. « La Russie doit quitter les territoires occupés, c’est alors seulement qu’il y aura une “trêve temporaire”. Gardez votre hypocrisie », a-t-il écrit sur le réseau social. Dans un message séparé destiné à la presse, M. Podoliak a qualifié l’annonce de Vladimir Poutine de « pur geste de propagande ».

Les premières nations occidentales à réagir à la déclaration du président russe mettent aussi en doute la sincérité du geste. La diplomatie allemande a ainsi estimé que le « prétendu » cessez-le-feu n’apportera « ni liberté ni sécurité aux personnes qui vivent dans la peur quotidienne sous l’occupation russe ». « Si Poutine voulait la paix, il ramènerait ses soldats à la maison et la guerre serait terminée. Mais apparemment, il veut poursuivre la guerre, après une brève interruption », a déploré la ministre des affaires étrangères allemande, Annalena Baerbock, dans un message sur Twitter. Le président américain, Joe Biden, a jugé pour sa part que M. Poutine « cherch[ait] à se donner de l’air ». L’annonce russe « ne fera rien pour faire avancer les perspectives de paix », a renchéri le ministre britannique des affaires étrangères James Cleverly. « La Russie doit retirer définitivement ses forces, renoncer à son contrôle illégal du territoire ukrainien et mettre fin à ses attaques barbares contre des civils innocents », a ajouté le chef de la diplomatique britannique dans une déclaration publiée sur Twitter.

Sur le terrain, les bombardements se poursuivent

Au cours de sa conversation téléphonique avec Vladimir Poutine, le président turc avait proposé un « cessez-le-feu unilatéral » destiné à soutenir « les appels à la paix et les négociations entre Moscou et Kiev ». M. Erdogan, qui se pose en médiateur dans le conflit, s’est aussi entretenu jeudi avec son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, sans pourtant mentionner une demande de « cessez-le-feu unilatéral ». M. Poutine lui avait dans un premier temps répondu que la Russie était prête à un « dialogue sérieux » avec l’Ukraine à condition que celle-ci se plie aux exigences russes et accepte les « nouvelles réalités territoriales » nées de l’invasion de ce pays en février.

Moscou a revendiqué en septembre l’annexion de quatre régions occupées partiellement par son armée en Ukraine, sur le schéma de celle de la péninsule ukrainienne de Crimée en mars 2014. Volodymyr Zelensky insiste, lui, pour un retrait total des forces russes de son pays, Crimée comprise, avant tout dialogue avec Moscou. Dans le cas contraire, il promet de reprendre par la force les territoires occupés.

Cette trêve a été annoncée par M. Poutine moins d’une semaine après une frappe ukrainienne dans la nuit du Nouvel An qui a fait au moins 89 morts à Makiïvka, dans l’est de l’Ukraine. Un bombardement particulièrement meurtrier que l’armée russe a dû reconnaître, fait extrêmement rare, et qui a suscité des critiques en Russie à l’encontre du commandement militaire.

Sur le front en Ukraine, les bombardements se poursuivaient jeudi avec notamment la mort d’un garçon de 12 ans et de ses parents dans un bombardement russe à Beryslav, près de Kherson, dans le Sud, selon le chef adjoint de l’administration présidentielle, Kirill Timoshenko. Deux personnes ont également été tuées et trois autres blessées lors d’un bombardement sur un village de l’oblast de Zaporijia, également dans le Sud, selon le gouverneur Oleksandr Staroukh.

Source: Le Monde avec AFP