Les responsables du Mouvement M5-Mali Kura ont animé ce samedi 14 janvier 2023, une conférence de presse pour analyser la dégradation de la situation sécuritaire économique et sociale au Mali. Cette rencontre avec les hommes de médias qui avait pour cadre le siège du Front africain pour la solidarité et la démocratie (FASODE) de Me Mohamed Ali BATHILY, sis à Kalaban-Coro, a été une occasion pour les responsables de cette dissidence du M5-RFP de tirer à boulet rouges sur les autorités de la transition qu’ils accusent de mauvaise gouvernance.
Cette conférence de presse était animée par le président du FASODE, Me Mohamed Ali BATHILY, président en exercice du Comité stratégique du M5-Mali Kura ; qui avaient à ses côtés, le premier vice-président, Dr Boureima Affo TRAORE ; ainsi que l’ancien ministre Konimba SIDIBE ; en présence de plusieurs autres responsables dudit regroupement politique.
La transition en perte de popularité
D’entrée de jeu, Me Mohamed BATHILY, a déclaré que nous assistons depuis quelques semaines à une levée de bouclier face à la situation jugée difficile que vit le pays.
Pour lui, cette situation, loin d’être banale, est plus que préoccupante. Raison pour laquelle, a-t-ajouté, on assiste depuis deux à trois semaines, à une avalanche de contestations qui témoignent du revirement de l’opinion nationale sur la marche actuelle du pays.
Le soutien massif des populations à la transition, symbolisé par la mobilisation inédite du 14 Janvier 2022 à la place de l’Indépendance, serait-il en entrain de s’effriter ? S’est-il interrogé.
En tout cas, a-t-il fait savoir, les citoyens dénoncent de plus en plus la gestion des affaires publiques car le manque de perspectives immédiates est en train de peser sur leur engagement et de rendre les difficultés de plus en plus insoutenables.
Une fièvre patriotique les a amenés à se mobiliser, et à faire face à une hausse jamais égalée des prix des produits de première nécessité et de grande consommation, à savoir, le riz, le mil, l’huile, le sucre, le lait etc…
Ces sacrifices ont été consentis durant les 7 mois d’embargo et bien au-delà. Ils viennent s’ajouter à la décennie d’appauvrissement imposé par les terroristes qui pillent les biens des citoyens dans les zones où ils sévissent, s’emparent de leurs biens, de leurs bétails et brûlent leurs récoltes.
De nos jours, a-t-il expliqué, beaucoup de signaux concordants sont là pour indiquer que les citoyens qui ont pourtant massivement soutenu la conduite de la transition, commencent à s’interroger et même à s’inquiéter par rapport à celle-ci. Et à tel point que des groupes ou des personnes reconnus comme étant des soutiens objectifs de la transition, ont commencé à donner l’alerte.
D’autres avertissement sont venus également des citoyens vivant dans les zones de conflits, telles que Gao, Tombouctou, le centre du pays etc…
Pour le conférencier, plusieurs causes peuvent expliquer ce qui apparait aujourd’hui comme un revirement suffisamment perceptible de l’opinion nationale sur la transition. Certaines d’entre elles sont liées à des raisons politiques et d’autres à la mauvaise gouvernance.
Espoir galvaudé
De l’avis du Me BATHILY, il ne faut jamais perdre de vue que la lutte du M5-RFP, menée contre le régime de Ibrahim Boubacar KEITA, visait à mettre un terme à un manque de justice sociale qui se manifestait par des comportements excessifs de prévarication des biens publics, de détournement des deniers publics, de trafics d’influence, de corruption, le tout favorisé par l’impunité totale des auteurs et des bénéficiaires de ces pratiques malsaines.
Malheureusement, a-t-il déploré, après avoir cru un moment, à l’affirmation par les autorités politiques de la montée en puissance des armées, la multiplication des attaques et des exactions menées par les terroristes dans plusieurs endroits du pays, a fait grandir un sentiment d’abandon total des victimes et de leur espace vital par l’Etat.
S’agissant de la gouvernance, il a souligné que plusieurs Maliens s’interrogent aujourd’hui, sur les avancées réellement faites sur le front de la gouvernance depuis le changement de régime en matière de justice.
Comme illustration de son propos, il a fait savoir que le dossier des tueries des manifestants du M5-RFP des 10, 11 et 12 Juillet 2020 n’est pas encore jugé et les victimes n’ont reçu aucune compensation ; de même que les dossiers de détournement, des deniers et des fonds publics ne connaissent aucune avancée significative.
«Les citoyens continuent à se plaindre des mêmes pratiques d’une justice sélective obéissant au pouvoir de l’argent et permettant de spoiler les plus faibles économiquement. Les marchés de l’Etat sont régis par le favoritisme et le népotisme comme par le passé », a-t-il déclaré.
L’attribution du marché des engrais, des marchés pour la construction ou la rénovation des routes, l’attribution d’exonérations à des commerçants sans que cela empêche la hausse des prix ; sont également citées comme étant une illustration de cette mauvaise gouvernance dans le pays.
Sans oublier les recrutements frauduleux des parents des autorités administratives à : I’EDM, la CANAM, l’INPS et même la police ; l’attribution des logements sociaux a scandalisé l’opinion publique, tant elle a été faite sur des bases subjectives et préférentielles.
Encore une fois, dit-il, aucune de ces pratiques visiblement scandaleuses n’a donné lieu à quelle que sanction que ce soit, à quel que niveau que ce soit.
Au contraire, elles laissent le goût amer, de croire que la lutte menée par le M5-RFP avec son cortège de victimes n’aura servi à rien.
A côté de ces causes précédentes, il a également montré du doigt la frustration née de la publication de la liste complémentaire des membres du CNT.
Le CNT est aussi stigmatisé comme étant le lieu, qui a permis de remettre en scène des hommes politiques du régime passé, emblématiques des détournements de fonds publics, des trafics d’influence, coupables de forfaiture.
Une autre frustration pouvant justifiée la réaction de l’opinion publique est l’augmentation des budgets du CNT, de la Présidence de la transition et de la Sécurité d’ Etat.
Pour prendre la mesure exacte de la situation et de sa gravité, les autorités politiques doivent écouter suffisamment tous les acteurs de la vie publique et leur accorder une attention réelle afin de trouver des réponses appropriées aux différentes préoccupations du pays.
Par ailleurs, le comité stratégique du M5-RFP rappelle qu’il a toujours cherché à construire et à renforcer son partenariat avec les autorités de la transition.
Au soir du 24 mai 2021, lorsque les deux parties se sont retrouvées pour s’engager dans ce partenariat, le M5- RFP a bien rappelé ses objectifs initiaux qu’il a déclinés en dix points et dix-sept mesures lesquels avaient fait l’objet d’un document déjà transmis à la transition avant cette date.
Depuis, ce qui semblait être une dynamique de partenariat est resté au point mort. Aucun cadre effectif n’a été créé qui permet de discuter de ces points et de ces mesures.
«Nous disons aujourd’hui qu’il est important que le partenariat soit franc et sincère entre les autorités politiques de la transition et le mouvement qui a lutté contre le régime de monsieur Ibrahim Boubacar Keita. Ce mouvement a le sentiment de subir plus les décisions du gouvernement et des autorités politiques de la transition qu’il n’y prend part, effectivement » a déploré Me Mohamed Ali BATHILY.
Par Abdoulaye OUATTARA
Source : Info Matin