Au Mali, la Sécurité d’Etat soupçonnée de financer les mercenaires russes Wagner

Un document officiel malien « publié par erreur » fin 2022 laisse apparaître une envolée des dépenses des services de renseignement placés sous l’autorité du président, Assimi Goïta.

 

La question est lancinante depuis la révélation de leur arrivée sur le sol malien en décembre 2021. La société privée Wagner qui emploie des mercenaires est-elle payée pour son appui aux colonels putschistes ? Et, si tel est bien le cas, comment les versements sont-ils financés ?

Avant même le déploiement de forces militaires, les hommes d’Evgueni Prigojine, patron de l’entreprise russe, ont commencé à prospecter dans le domaine aurifère dont le Mali est l’un des premiers producteurs en Afrique. Or, leurs recherches n’ont jusqu’ici débouché sur la signature d’aucun contrat d’exploitation minière, aucun accaparement de mine n’a été effectué comme en République centrafricaine. Wagner travaillerait-il donc à perte au Mali, laissant ses interventions en Centrafrique, en Libye ou au Soudan financer ce déploiement, jugé plus stratégique dans la mesure où il sape l’influence occidentale, en particulier française ?

Un document officiel malien a manifestement éclairé plusieurs chancelleries. Daté du 30 juillet 2022 et « publié par erreur » en fin d’année, selon une source occidentale, le budget rectifié de l’Agence nationale de la sécurité d’Etat (ANSE), les services maliens de renseignement, laisse en effet apparaître une envolée des dépenses de cette structure placée sous l’autorité directe du président de la République, Assimi Goïta, et dirigée par l’un des piliers de la junte, le colonel Modibo Koné.

Augmentation vertigineuse

Les autorisations d’engagement de l’ANSE, initialement chiffrées à hauteur de 2 milliards de francs CFA pour 2022 (3 millions d’euros), ont ainsi été réévaluées en cours d’année à 71,4 milliards de francs CFA (108 millions d’euros). Les crédits de paiement, soit la limite des dépenses possibles pour la couverture des autorisations d’engagement, fixés pour leur part à 13,7 milliards de francs CFA (21 millions d’euros) ont, eux, été rectifiés à 103,7 milliards de francs CFA, soit une augmentation vertigineuse de plus de 135 millions d’euros pour l’année 2022.

« La surallocation de budgets à des institutions ou à des ministères ne correspondant à aucune dépense publique est une pratique commune dès lors que l’on veut maquiller des versements », assure une source diplomatique convaincue, comme deux autres interlocuteurs de haut rang, que le financement des mercenaires russes est à chercher dans cette ligne budgétaire. Une conviction renforcée par le montant de l’augmentation qui correspond, peu ou prou, au contrat de 6 milliards de francs CFA par mois (un peu plus de 9 millions d’euros), évoqué en septembre 2021 par l’agence de presse Reuters, lorsque l’Etat malien était encore en négociation avec le groupe de mercenaires. Une somme par la suite confirmée par le général américain Stephen Townsend, le commandant d’Africom.

Source : lemonde.fr