Articles similaires
Dans une entrevue portant notamment sur le couple et censurée à l’époque (1959) par la télévision canadienne, Simone de Beauvoir affirmait que, lorsque plus rien dans le cœur ni dans la chair ne rattache les partenaires l’un à l’autre, on arrive à quelque chose qui ressemble à de la prostitution.
Avec l’arrivée du féminisme, le “devoir conjugal” jadis imposé aux épouses fut à bon droit remis en cause. Persiste pourtant, aujourd’hui comme hier, surtout chez les femmes, l’inquiétude suivante : “Pourquoi je n’ai pas envie d’avoir un rapport sexuel avec mon partenaire, que j’aime pourtant, et que faire ?” Les magazines féminins reprennent régulièrement la question.
Désir, baromètre à l’amour ?
On dit que les femmes sont socialisées de façon à désirer qui elles aiment, alors que les hommes finissent par aimer qui ils désirent. Ces cheminements contraires représentent un réel défi dans les relations hommes-femmes. Aussi bien le reconnaître : ce n’est pas parce qu’on s’aime et se désire la plupart du temps que l’on va avoir envie l’un de l’autre au même moment.
Lorsque la fatigue, les tracas ou la routine s’en mêlent, certaines personnes peuvent avoir l’impression qu’à moins de se forcer pour faire plaisir à l’autre c’en est fini de leur couple. On croit que le désir sert de baromètre à l’amour.
Or, l’amour et le désir obéissent à des lois différentes. L’amour se développe dans une proximité qui permet de mieux apprécier l’autre ; le désir nécessite une certaine distance afin de pouvoir anticiper un plus intense rapprochement (les grandes passions surgissent presque toujours entre partenaires que tout sépare).
Quand le désir espéré n’est plus au rendez-vous, doit-on se résigner à le simuler, à défaut de pouvoir le stimuler ? La question se pose d’autant plus que l’on peut aimer sans éprouver beaucoup de désir (c’est le cas de plusieurs couples dont la passion s’est émoussée) et désirer sans vraiment aimer (dans le fameux coup de foudre, un seul regard suffit pour qu’une personne dont on ne sait rien nous allume soudain comme nulle autre).
Quand le cœur n’y est pas
En recourant à leur imagination, plusieurs femmes (et beaucoup plus d’hommes qu’on ne le croit) miment le désir et même le plaisir pour ne pas décevoir leur partenaire, pour “acheter la paix”, pour se débarrasser de ce qu’ils ressentent comme une obligation. C’est un choix qui a des conséquences au fil du temps : ce qu’on s’oblige à faire quand le cœur n’y est vraiment pas peut finir par dégoûter carrément (ce qui à l’évidence empire le problème).
Sauf pour les altruistes, capables de s’oublier totalement eux-mêmes, l’amour et le désir partagés sont en général des échanges de bons procédés. On reçoit et on donne. Dès lors, on a tendance à compter en bon stratège les pertes et les gains encourus.
Lorsque le couple s’entend sur ce que chacun est disposé à donner et à recevoir en toute réciprocité et spontanéité, il demeure viable. Jusqu’à ce que l’évolution de l’un ou de l’autre en décide autrement. Car lorsque nos besoins changent, ceux ou celles qui semblaient pouvoir les combler ne sont plus forcément les mêmes.
L’être humain est l’une des rares espèces pouvant avoir des relations sexuelles en tout temps ou presque – pas de périodes de rut, ni de saisons de amours. Mais toutes les femmes et tous les hommes n’ont pas pour autant toujours envie de faire l’amour, fût-ce avec l’être aimé. Cela dit, l’inverse est tout aussi vrai et devrait inquiéter bien davantage : ce n’est pas parce qu’on se fait l’amour que l’on s’aime.